Article écrit par Laurent Fayeulle - 25 avril 2024
«Le jour J
Samedi 23 mars 2024. Lancement du livre à la libraire AlphaB de Longuenesse. Rencontre avec le public. Possibilité d’être enfin dépossédé de ce roman, Les Jeux de Paris n’auront pas lieu. C’est une première pour moi. C’est un peu le saut en parachute. Ça aura été une belle journée pour les ventes. Ce n’est pas négligeable. C’est une belle récompense, y compris pour la libraire qui a fait ce pari de m’accueillir. Mais surtout, ça aura été une belle journée pour les rencontres. Je pense notamment à Sandrine et Pascal, qui sont venus à ma rencontre après avoir entendu parler du livre dans la presse. Si je vous parle d’eux, c’est notamment parce qu’au détour de la conversation, Pascal m’a dit : « La façon dont vous parlez de votre livre, pour moi qui suis musicien, ça me fait penser à la musique. Aux tonalités, aux altérations, au rythme, à la musicalité. »
La musique des mots
Musicien, moi, je ne le suis pas. J’aime la musique, bien sûr, mais je n’ai pas l’oreille musicale. Je chante faux. Je me suis cassé les dents, étant gamin, au piano, avec la méthode Czerny. Et pour autant, cette comparaison entre mon travail d’écriture et le travail du musicien, cela entre plutôt bien en résonance chez moi.
Déjà, parce qu’en effet, je suis attentif au rythme, à la musicalité d’une phrase, aux sonorités des mots, au placement des virgules, aux respirations, à l’effet sonore que mon texte produit. Je pratique ce que Flaubert nommait le gueuloir. Je veux que ça sonne bien, que ça sonne juste. Je cherche à intégrer de l’oralité, à trouver le bon équilibre entre cette oralité très vivante, bouillante, dynamique et l’écriture littéraire qu’impose le récit.
Cette comparaison avec la musique me plaît aussi, parce que tout cela fait également écho au choix de présentation du roman. Dans la quatrième de couverture, il est question de partition. Et l’avant-propos du texte, dans lequel un hommage est rendu aux victimes des catastrophes climatiques, nous avons choisi de l’intituler le Prélude. Cet hommage était important, vu que plusieurs des catastrophes que j’ai imaginées pour les besoins du récit ont vraiment eu lieu. Il y a ici une collision assez intrigante entre réel et fiction, entre le temps de l’écriture et le temps de la publication.
La musique des idées
Enfin, le monde musical me parle également parce qu’il me fait penser au travail d’accompagnement éditorial. Je fais référence ici à une figure de l’ombre : Véronique Thabuis, responsable de la magnifique maison d’édition Les Mots qui portent. Et pour continuer à filer la métaphore musicale, voici ce que je peux dire du travail de mon éditrice, ou… pour mieux dire, du travail AVEC mon éditrice. Véronique Thabuis est la cheffe d’orchestre. C’est elle qui coordonne, qui agence, qui pointe les fragilités, qui suggère des pistes, qui donne le cap, qui garantit la justesse du ton. C’est elle qui apporte l’harmonie.
C’est elle, bien entendu, qui permet au livre d’exister vraiment. C’est-à-dire d’exister ailleurs que dans ma tête, d’exister dans d’autres bibliothèques que la mienne.
Ce qui est agréable, également, avec Véronique Thabuis, c’est que nous partageons le même attachement au livre en tant que bien commun et pas en tant que bien de consommation jetable. Cette fameuse partition, on la joue sur la durée. Et c’est évidemment grâce à mon éditrice que cela est possible. C’est une joie, aussi, de mettre nos réseaux en commun et de découvrir, à travers un nom, un festival, un organe de presse, que nous avions avant de nous connaître, certaines personnes communes à nos carnets d’adresse.
Coopération essentielle et en confiance
Guide et cheffe d’orchestre, donc. Dans une démarche bienveillante qui ne s’encombre ni de vaine flatterie ni d’inutile ménagement, qui met simplement à jour un bel esprit de coopération. Oui, c’est cela : la coopération. C’est vraiment quelque chose d’important pour moi. Je le dis d’autant plus volontiers que j’ai aussi une petite expérience avec l’autoédition où l’on ne peut compter que sur soi. Alors, bien sûr, il y a des autrices et des auteurs qui fonctionnent en tant qu’indépendant·e·s et pour qui tout roule. Je suis super content pour ces personnes, et tant mieux si elles réussissent. Mais ça, ce n’est pas mon parcours.
Pour ma part, ce travail de cheffe d’orchestre que je décrivais tout à l’heure, avec ce qu’il revêt de bonne intelligence et de belle coopération, c’est quelque chose qui a vraiment fait la différence. Et je ne saurais souhaiter meilleure fortune à un auteur ou une autrice que de croiser la route d’ « une » Véronique Thabuis. »